Aout 1944 libération de Gilocourt

Les classes de Gilocourt en 1943

A l’occasion du 75e anniversaire de la libération de Gilocourt, nous allons vous conter dans le détail l’histoire de ce moment historique. C’est Bernard LECURU, âgé à cette époque de 11 ans qui a vécu cette libération et qui va nous raconter l’histoire.

Cette photo de la classe de Gilocourt date de 1943, l’instituteur de l’école des garçons était Monsieur Méteau. Et Bernard, notre conteur se trouve au milieu de la photo.

La libération s’est déroulée en 3 étapes :

  • La préparation des défenses par les allemands
  • Le 30 Août : arrivée des premiers éléments américains.
  • Le 31 Août : la libération de Gilocourt par les troupes américaines

La préparation des défenses allemandes

Nous donnons la parole à Bernard 

“Quelques jours avant la libération de Gilocourt, un véhicule allemand dans lequel se trouvait 4 allemands est arrivé à Gilocourt, ils nous ont prévenus qu’ils allaient faire sauter le pont sur l’Automne entre Béthancourt et Gilocourt : rue de l’Automne. Ils ont passé la nuit dans le village et le lendemain matin, ils ont dynamité et fait sauter le pont.

Sur cette même période, 3 autres soldats allemands ont mis en place près de notre maison, une défense composé de sacs de sable dans laquelle, ils ont installé un pistolet mitrailleur. Cette défense était installé dans un verger qui était à la place de la maison de mon frère, Claude Lecuru.
Un des 3 soldats allemands était polonais, il parlait un peu français.

Défenses allemandes à l’intérieur de Gilocourt

D’autre part en me promenant par la sente des Ribauts à gauche de la route de Compiègne près l’entrée de la forêt de Compiègne, j’ai vu que les allemands installaient des défenses beaucoup plus solides, 3 canons, une mitrailleuse et des orgues de Staline. Je pouvais les observer de la sente des Ribauts sans qu’ils me voient.

Défenses allemandes à l’entrée de la forêt de Compiègne

Le 30 Août : arrivée des premiers éléments américains

Le 30 Août, en fin de journée, un char Sherman américain est arrivé par Béthancourt en Valois et a réussi à traverser l’Automne près du pont détruit (actuellement aux établissements Drucker). Ce char est passé ensuite par le chemin des Usagers afin de venir se positionner face à la défense allemande. Pas un tir ni un combat ce soir là.

Parcours du char sherman le 30 Août

Le 31 Août : la libération de Gilocourt par les troupes américaines

Le matin du 31 Août, les 3 allemands ont ouverts le feu sur le char américain. J’ai pu observer ce qui se passait car le mur de clôture de la maison de mes parents donnait directement sur la défense allemande.

Le char américain a riposté en tirant un obus. Les allemands se sont alors enfuis: un allemand et le polonais en moto side-car et le 2e allemand en vélo. L’obus du char Sherman s’est planté dans le mur d’un voisin en se mettant en tulipe et quelques jours après j’ai pu le récupérer.

L’obus du char Sherman que détient toujours Bernard !

Le soldat qui s’est enfui en vélo n’est pas allé très loin, il s’est mis en embuscade au coin de la rue de l’Aurore et la rue de la Forêt. Il a posé son vélo le long du café Tisserand et il a fait basculer la pierre qui se trouvait au coin des rues pour s’embusquer derrière. J’étais derrière lui à une quinzaine de mètres sans qu’il me voit. Il a alors tiré 3 ou 4 balles vers le bas de la rue. Il a remis son fusil en bandoulière, a repris son vélo, a dit quelques mots en allemand et est parti vers Compiègne. En m’avançant au coin de la rue, je n’ai pas vu de corps dans la rue. J’ai appris par la suite que les résistants qui accompagnaient Robert Dumont, avaient déjà tiré son corps dans le bas côté de la rue.

Ce matin-là, nous entendions, le bruit de la colonne américaine qui s’avançait vers Gilocourt. Les américains sont arrivés à la mi-journée par Béthancourt en Valois. Etant donné que le pont sur l’Automne était détruit, ils ont emprunté la rue des Bourbottes et sont passés par le vieux pont de Bellival. Le pont n’étant pas assez large pour les chars, ils ont dû détruire les parapets en pierre. Ils ont emprunté la rue vers Bellival qu’on a appelée plus tard la rue de la Libération. La colonne a ensuite emprunté la rue du Lavoir pour rejoindre le carrefour qui permet de remonter vers Compiègne.

Trajet de la colonne américaine dans Béthancourt et Gilocourt

La colonne américaine faisait 2 ou 3 kilomètres de long, c’était impressionnant de voir autant de matériel et soldats. Soudain toute la colonne s’est arrêtée, les premiers accrochages ont alors eu lieu avec la défense allemande positionnée à l’entrée de la forêt de Compiègne. Il y avait des véhicules arrêtés jusqu’en bas au croisement de la route allant à Compiègne.

Toute la colonne américaine bloquée par les défenses allemandes

Seuls quelques véhicules américains dépassaient la colonne arrêtée. Dans la confusion générée par cet arrêt, j’ai réussi à m’agripper à l’arrière d’ un command car qui doublait l’ensemble. A la sortie de Gilocourt après le virage en épingle, les américains se sont aperçus de ma présence et m’ont fait monter dans le véhicule. Arrivé là-haut sur le plateau un peu avant le chemin de Pierrefonds, le command car s’est arrêté et là l’officier américain a décidé de me débarquer et de me mettre à l’abri dans le fossé, ils m’ont mis un casque sur la tête.

J’ai pu alors assister de très près aux événements qui se déroulent à l’entrée de la forêt de Compiègne. D’abord, un avion de reconnaissance américain a tourné au dessus des défenses allemandes, quelques minutes après, un tir d’artillerie extrêmement violent a détruit complètement l’entrée de la forêt et une partie des défenses allemandes. J’ai appris par la suite que l’artillerie américaine a tiré depuis le plateau de Vauciennes.

Peut-être une demi-heure après, la colonne américaine est repartie. L’officier américain du command car a décidé de m’emmener avec eux, j’ai alors pu voir que les pertes de chaque côté étaient importantes à l’entrée de la forêt.

Les pertes américaines après les combats

Du côté des américains, une automitrailleuse qu’on appelait Half Track et 2 chars Sherman complètement détruits, 2 autres chars semblaient endommagés mais pas complètement détruit. Je ne sais pas combien de soldats américains sont morts ici.

Du côté des allemands, toutes les défenses étaient hors de combat, il y avait des soldats allemands morts au bord de la route. J’ai appris par la suite que les allemands avaient perdu ici au moins 8 soldats qui ensuite ont été provisoirement enterrés dans un verger près de la route de Compiègne.

J’ai alors traversé presque toute la forêt de Compiègne dans le command car américain. On s’est arrêté au campement que les américains étaient en train d’installer en forêt à l’entrée de Compiègne (à gauche de la route). On m’a donné à manger et le soir même, les américains m’ont ramené en jeep à Gilocourt”

Quelques références documentaires

Le récit de Bernard Lecuru s’arrête ici. Un grand merci à Bernard d’avoir fouillé dans sa mémoire et dans ses souvenirs et d’avoir bien voulu nous raconter sa libération de Gilocourt.

Après quelques recherches sur internet, nous avons pu préciser que la colonne américaine ayant libéré Gilocourt faisait partie de 5e division blindée US (5th AD) et plus précisément qu’il s’agissait de la Task Force Boyer. La référence documentaire est un article paru dans les Annales Historiques Compiégnoises dans les n° 61 et 62 de 1995 de la page 21 à la page 38 écrit par Benoit Cottereau : “LES FORCES ALLIEES LIBERENT L’OISE du 28 Aout au 2 Septembre 1944”. La libération de Gilocourt et les combats à l’entrée de la forêt de Compiègne sont mentionnés à la page 31 et à la page 32.

engin blindé de la Task Force Boyer

Cette photo de soldats américains appartenant à la Task Force Boyer est la seule dont nous disposons. Elle a été prise le 25 Août 1944 dans les Yvelines. Il y a une forte probabilité que ces 4 soldats américains sont passés à Gilocourt le 31 Août.

Half track comme celui qui a été détruit à l’entrée de la forêt dans la côte du Pendu
Char Sherman M4 comme ceux qui ont libéré Gilocourt

Cet article a été rédigé par Thierry Delacourt, l’administrateur Web du site gilocourt.fr à partir du récit et des éléments fournis par Bernard Lecuru. Bernard a relu et validé cet article le 16 Avril 2019.